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La violence verbale ordinaire : l’humour qui tue !

Savoir tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler.

« Que votre parole soit impeccable »

Premier des quatre accords toltèques; principes de conduite rédigés par Don Miguel Ruiz.


 

Si ce précepte recommande à chacun de parler avec intégrité, il demande également de ne pas utiliser sa parole pour médire. Elle ne doit pas être une arme contre soi-même ni contre les autres.


Or, nous sommes de plus en plus nombreux à constater et à déplorer le fait que la parole est très souvent utilisée de façon négative, contre soi et contre les autres. Cela se fait souvent de manière inconsciente. Généralement, la volonté première de l’émetteur n’est pas de blesser, mais de faire preuve d’humour, parfois d’auto-dérision, de se donner de la contenance, de meubler une conversation… Que sais-je encore ?

Il a fallu un certain temps à la France pour reconnaître ce qui est aujourd’hui appelé la « Violence éducative ordinaire ». Il s’agit de violence physique, psychique et aussi verbale. Des comportements qui étaient considérés comme normaux, habituels à une époque sont aujourd’hui reconnus comme étant des maltraitances. Des amis et des clients me parlent souvent de malmenages involontaires, de collègues à l’humour cinglant dont ils sont victimes dans le milieu professionnel. J’ai été témoin d’une situation similaire dans un environnement personnel, familial, qui devrait pourtant être un espace bienveillant de protection et de sécurité.


Récemment, lors d’une réunion de famille, j’ai été frappée de voir une tante saluer ses neveux, qu’elle n’avait pas vus depuis environ un an, de cette manière : « Salut ! Ha ben ce que tu es pâle, qu’est-ce qu’il t’arrive ? Ha tu n’es pas beau, je ne t’ai jamais vu comme ça…» Le deuxième a eu le droit à un sermon sur le fait qu’il avait perdu du poids et qu’il n’avait pas l’air en bonne santé. Le troisième, qui venait de rassurer sa tante sur le fait que tout allait bien dans sa carrière et qu’il était toujours dans la même entreprise florissante, a été qualifié de « fainéant » et « d’escroc », le tout sur un ton jovial évidemment.


J’ai ensuite questionné les neveux à propos de ce qu’ils avaient ressenti sous cette pluie de reproches. Aucun d’eux n’avait été interpellé par le comportement de leur tante. « Elle n’est pas méchante », « Elle est comme ça ! », « C’est sa façon de s’exprimer » me disaient-ils alors pour expliquer que, de leur côté, la situation était OK. Pour ma part, il était clair que cette femme exerçait de la maltraitance verbale sur son entourage. Sans doute ses neveux avaient-ils raison lorsqu’ils affirmaient qu’elle « n’était pas méchante », car je ne pense pas qu’elle avait réellement conscience du poison qu’elle projetait ainsi sur ses interlocuteurs. Cette femme ne m’a bien évidemment pas parue « méchante », mais il m’a semblé tout de même que ses propos manquaient cruellement de bienveillance et d’empathie.


J’ai alors pris conscience du fait que les relations sociales françaises reposaient beaucoup sur ce type de comportement. On « chambre », on taquine ses camarades, ses collègues, ses proches. Les groupes d’adolescents communiquent beaucoup sur le registre de la « mise en boîte » et de la moquerie. On se réfère à l’adage « qui aime bien châtie bien » mais la frontière entre l’humour et la maltraitance est parfois difficile à distinguer. Les termes « chambrer » et « mettre en boîte » signifient étymologiquement « tenir enfermé », donc mettre à part, isoler. Le verbe « châtier » a pour synonyme « punir » et « corriger » selon divers dictionnaires.

Au risque de passer pour une trouble-fête, je ne distingue pas de trace d’Amour dans ce type de comportement. Pourtant, j’ai très probablement déjà utilisé ces ressors, ces habitudes sociales, dans diverses situations, sans même m’en rendre compte. Il s’agit de réactions bien souvent automatiques et lourdement ancrées dans les mœurs. Cette frontière que je viens d’évoquer entre l’humour et la maltraitance me semble malheureusement très perméable et si la violence verbale glisse sur certains, d’autres l’absorbent et la ruminent.


Dans le cas que j’ai pris pour exemple, l’humour de la tante n’avait visiblement pas pour habitude de viser les points faibles de ses neveux. Le premier savait qu’il était plutôt beau et le troisième était épanoui dans son travail. En revanche, le deuxième avait en effet quelques soucis de santé. Sans le savoir, elle avait touché un point de fragilité qui lui causait de nombreux désagréments physiques et beaucoup de contrariétés. Il existe toujours des éléments de la vie des gens que nous ignorons. Ont-ils réellement confiance en eux ? Cachent-ils des blessures ? Ont-ils des problèmes dont nous n’avons pas connaissance ? Quelles seraient les conséquences de ce type de remarque sur une personne plus sensible ? Complexée ? Manquant de confiance en elle ou qui, tout simplement, ne subit pas ces remarques une fois l’an, mais à longueur de journée ou chaque jour devant la machine à café ?


Nous nous sommes tous déjà retrouvés dans ce type de situation. Soit « victime », soit « bourreau », complice ou même tout à la fois.


Une remarque anodine peut avoir sur nous un grand impact, tandis qu’à d’autres moments nous sommes en mesure de braver des critiques. Beaucoup d’entre nous gardent le souvenir d’une phrase désagréable entendue de manière répétitive de la part d’un enseignant, d’un parent, d’un collègue. Parfois, nous parlons plus vite que nous ne pensons et nous regrettons nos petites remarques désobligeantes, prononcées nonchalamment, histoire de dire quelque chose… D’autres fois, nous nous sommes réellement emportés face à une tierce personne, uniquement parce que nous étions agacés à ce moment-là. D’autres fois encore, nous nous emportons contre nous-mêmes et nous nous jugeons sévèrement : « Je suis con, j’ai oublié le journal », etc. D’un seul coup, pour un acte anodin, nous dénigrons notre être tout entier et nous nous identifions à une insulte.


Au quotidien, notre parole est loin, très loin d’être impeccable. Être attentif à nos mots, aux maux qu’ils peuvent engendrer, et aussi au bien qu’ils peuvent procurer, est l’affaire de tous. Cela peut également nous permettre d’améliorer notre communication et donc nos relations aux autres. Personne n’a envie de passer sa pause déjeuner ou ses vacances auprès de personnes aux phrases assassines, aux jugements négatifs qui, même s’ils sont bien souvent inconscients, n’en restent pas moins pesants et désagréables. Et surtout, personne n’a spontanément envie de complimenter une personne dédaigneuse, d’être bienveillant avec quelqu’un qui se montre hautain.


Ainsi, en communication verbale et comportementale, on peut facilement dire que l’on récolte ce que l’on sème.


À vous de parler !

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