Je souhaite aujourd'hui vous parler de la « Bienveillance ».
Un terme plutôt à la mode, que l'on entend un peu partout, pour le meilleur et, je l'espère, pas pour le pire...
Pour le meilleur, parce que ce mot, « Bienveillance » évoque avant tout un concept relationnel : une attitude, une disposition d'une personne envers d'autres. Que l'on introduise ce type de mot, et donc de concept, un peu partout dans notre société me semble une très bonne chose.
Je ne peux aussi m'empêcher de penser au pire, car, c'est mon impression, lorsqu'un mot se répand dans le langage courant il a tendance à s'affadir, à devenir une sorte de coquille vide. Tout le monde se plaît à employer ce terme parce que l'on sait que « ça fait bien », mais un usage abondant éloigne souvent le mot de son sens profond et du concept qu'il véhicule.
Voici la définition de « Bienveillance » que l’on trouve sur le site Internaute.com : « Capacité à se montrer indulgent, gentil et attentionné envers autrui d’une manière désintéressée et compréhensive. »
La « bienveillance » partage ses racines latines avec le mot «bénévole». On lui trouve pour synonymes «altruisme», «humanité», «compréhension», «clémence», «indulgence» etc. On comprend donc les dimensions active, dévouée et désintéressée sous-entendues par ce terme.
« Être bienveillant » ne signifie donc pas « être cool » ou « sympa ». Pour Kant, la bienveillance est une valeur éthique, et selon diverses religions (bouddhisme, hindouisme, christianisme…) la bienveillance est une vertu. Être bienveillant c'est une façon de considérer les choses et les personnes qui nous entourent, et c'est penser et surtout agir de cette manière. Bien plus qu'un mot, la bienveillance définit un comportement permanent, une attitude constante, volontaire et active.
Je sais qu'en tant que professionnel, on peut tout à fait être inconditionnellement bienveillant envers ses clients.Cependant, être, dans l'absolu et à tout moment du quotidien quelqu'un de bienveillant est un énorme challenge. Être en permanence, à chaque instant quelqu'un d'indulgent, de compréhensif, d'accueillant, qui œuvre pour les autres comme pour soi-même relève, il me semble, d'une quête spirituelle considérable.
En effet, dans ma vie personnelle, je dois reconnaître que de temps en temps, dans les transports en commun, lorsque je suis aux caisses des magasins aux heures d'affluence, il m'est parfois extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, d'accueillir sans jugement et avec une volonté altruiste de coopération, les comportements de certains de mes contemporains. Je ne pense pas être la seule dans ce cas.
Car il est vrai qu'être bienveillant dans l'absolu demande un entraînement, une pratique régulière, une conscience de ses pensées, de ses paroles et de ses actes. Ainsi, nous pouvons nous exercer à la bienveillance en puisant en nous l'énergie et la sincérité nécessaires pour penser et prononcer des paroles bienveillantes, avoir des intentions bienveillantes, agir ponctuellement de manière bienveillante, et de cette manière nourrir une attitude puis des relations bienveillantes.
C'est au fur et à mesure de ces pratiques, de cet entraînement cognitif, que nous allons, peu à peu, prendre l'habitude de penser et d'agir de manière bienveillante. C'est précisément le fait de porter régulièrement une attention consciente, construite et sincère, à nos pensées, qui fait que la pensée bienveillante deviendra un réflexe naturel. C'est également la répétition de nos pensées et comportements bienveillants qui pourra créer sur le long terme une habitude, et donc une spontanéité.
Les livres que j'ai trouvés sur la bienveillance ciblent généralement des relations interpersonnelles très spécifiques : les relations parents-enfants pour la sphère privée, et tout le reste relève de la sphère professionnelle : enseignement, éducation, management. Loin derrière, nous trouvons les relations d'accompagnement spécifique qui concernent les thérapeutes, les coachs, les personnes travaillant dans le secteur médical, etc .
D'après ce constat, il semblerait que la bienveillance se pratique essentiellement envers les plus jeunes, envers ceux que l'on encadre, ceux que l'on accompagne. Il est vrai que, comme je viens de l'évoquer, être bienveillant en permanence est une performance de Sage et que, ne pouvant aisément être bienveillant avec chacun, il est toujours bon de commencer avec ceux qui en présentent un besoin profond.
Pourtant, je pense aussi que la bienveillance est un regard et une attitude globales que l'on doit s'efforcer de porter sur l'humanité en général et cela commence par soi-même. Dans la Métaphysique des Mœurs, Emmanuel Kant se réfère à la parabole biblique : «Aime ton prochain comme toi-même». Cela présuppose que l'individu s'accepte dans son entièreté, avec ce qu'il aime en lui, et aussi avec ce qu'il déplore en lui. Avec ses forces et ce qu'il pressent comme étant des faiblesses. Cela présuppose que l'humain accepte sereinement cet espace, cette différence qui existe entre la personne que nous sommes et celle que nous voulons être.
Tout comme faire la Paix avec les Autres passe par faire la Paix avec Soi, pouvoir accueillir les autres, c'est être en capacité de s'accueillir soi-même.
Être bienveillant c'est avant tout agir, envers soi et envers les autres, c'est refuser le jugement et la restriction, c'est œuvrer pour soi et pour les autres, c'est dépasser ses propres croyances et accepter les différences de l'autre. C'est entendre que, même si cette chose est insignifiante pour moi, elle peut représenter beaucoup aux yeux de l'autre. C'est respecter l'espace de l'autre, c'est respecter ce qui est important et précieux pour l'autre, même si cela ne l'est pas pour soi. Être bienveillant, c'est accueillir l'autre dans son entièreté, même s'il est parfois difficile de le comprendre. C'est également accepter les désaccords.
Ainsi, la bienveillance n'est pas une formule magique qu'il suffit d'évoquer le plus souvent possible. C’est surtout un véritable travail de chaque instant, une attention constante portée à ses habitudes comportementales, à ses réactions et des actions à mettre en place le plus possible.
Enfin, je vous recommande l'excellent ouvrage de Matthieu Ricard sur le sujet : « Plaidoyer pour l'altruisme: La Force de la bienveillance » (éditions Nil/Pocket) qui témoigne de la densité, de la complexité et de l'utilité d'être Bienveillant.