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Mia Coiquaud

Non, les jeunes qui se détournent de l'entreprise ne sont pas des fainéants !


Je lis sur différents médias (articles de presse, post de recruteurs sur LinkedIn etc.) que le chômage atteint des sommets tristement spectaculaires en France tandis que les entreprises peinent à recruter. Et je lis par ailleurs que les jeunes, et je comprends souvent par là « jeunes diplômés », ne veulent plus travailler.

À mon sens, ce que ces jeunes refusent, ce n’est pas LE travail mais le modèle de travail qui leur est proposé. Ce qu’ils cherchent, c’est avant tout de savoir qui ils sont. Ils cherchent à découvrir et comprendre le monde qui les entoure. Ils cherchent comment établir une adéquation entre leur environnement et eux-mêmes. Ils cherchent quelle est leur place dans ce monde. Leurs valeurs ne sont plus carriéristes. Ils cherchent du sens.

Un état de fait :

«Les Jeunes ne veulent plus travailler» est une phrase que j’entends souvent, accompagnée de «Les Jeunes sont des fainéants», «Les Jeunes sont bercés d’illusions et pensent qu’en ouvrant une chaîne Youtube, ils vont faire fortune»... Je ne peux m’empêcher de réagir à ces remarques qui me touchent et me bouleversent. Je me sens concernée par la façon dont on considère et accueille ces jeunes diplômés qui sortent des sentiers battus.

Dans un cadre professionnel, j’ai assuré pendant 3 ans le suivi pédagogique d’étudiants en sciences humaines. Je rencontrais, chaque année, environ 600 étudiants qui me faisaient part de leurs ressentis, doutes et questionnements quant à leurs études, leur carrière, leur vie, leurs aspirations, leurs visions du monde, de l’entreprise et du milieu professionnel.

J’aime échanger et partager ce type d’expérience avec d’autres accompagnants (enseignants, formateurs...). En juillet dernier, je discutais avec une collègue coach, également formatrice en BTS, qui était formelle : de ses étudiants en dernière année, aucun n’était en train de chercher du travail. Certains se lancent dans l’entrepreneuriat tandis que d’autres préparent des voyages ou des chantiers humanitaires, par exemple.

D’après son expérience, ces jeunes sont curieux et ont soif de découvertes. Ils sentent qu’ils appartiennent à un monde vaste et complexe et ont à cœur de le découvrir.

Ce que j’ai constaté également, c’est que nombre de ces jeunes se questionnent avant tout sur leur identité, sur leurs aspirations, leurs valeurs. Ils cherchent ce qu’ils peuvent apporter au monde actuel, ils cherchent à prendre une place utile et cohérente dans la société. Pourcela, il leur est nécessaire de comprendre quels sont les besoins de la société qui les entoure. Ils doivent d’abord comprendre comment fonctionne ce monde constamment en mouvement, ce monde qui connaît des changements brusques et rapides.

Ce monde qui change...

On peut considérer que, depuis la révolution industrielle, les sociétés occidentales se sont organisées autour de l’individu, de la productivité, de l’efficacité, de la rentabilité, de la consommation. On a vu l’émergence du matérialisme, de la course à l’acquisition de biens. Nous sommes nés dans cette société dont nous jouissons chaque jour du meilleur : confort de vie, médecine et donc santé, éducation, facilité de l’accès au savoir et aux autres, transports, voyages...

On peut citer quelques innovations significatives : chauffage, réfrigérateur, voiture, contraception, carte bleue, avion, salle de sport, nourriture préparée, internet, smartphone, appli pour apprendre des tas de langues, etc. Tout est facile d’accès, immédiat. Les personnes qui sont nées à partir des années 90 ont été habituées au « tout, tout de suite ».

Cette génération ne semble pas rejeter ce que la société leur a permis et offert. Cependant, il est difficile aujourd’hui de ne pas constater que tout cela s’est édifié au détriment de l’humain, de la planète, de l’environnement de chacun.

Les jeunes diplômés sont conscients du sacrifice de toute une génération de salariés. Ils ont fait leurs études pendant que leurs aînés ne parlaient que de stress, de souffrance au travail et de burn- out.

Entre 2008 et 2009 les médias français témoignent d’une sinistre vague de suicides et tentatives de suicide, une trentaine environ, au sein d’une très grande entreprise nationale. Aujourd’hui un salarié passe plus de temps sur son lieu de travail que chez lui avec ses proches même si le télétravail se met timidement en place en France.

Certes, ces jeunes qui tournent le dos aux entreprises peuvent paraître plus individualistes lorsqu’ils refusent de « donner » leur temps et leur énergie à un patron. Mais ils témoignent également d’un sens aigu du collectif et d’une vision plutôt systémique de leur avenir. C’est à dire qu’ils envisagent les interactions qu’ils entretiennent avec leur entourage, leur société, la société globalisée. Ils considèrent leur individualité comme faisant partie du monde qui les entoure.

Beaucoup d’étudiants que j’ai accompagnés avaient une conscience très aiguisée de l’exploitation de l’humain par nombre de grandes industries, des scandales sanitaires et écologiques qui éclaboussent trop souvent des entreprises omniprésentes dans leur quotidien et dont, par leur consommation, ils se font complices. Évoluant dans une société où l’information se propage à une vitesse vertigineuse, ils constatent aussi les limites et les dérives de notre société consumériste et individualiste.

Les individus qui ont grandi dans les fast-foods restent difficilement sans questionnement face aux vidéos d’abattoirs, face aux informations qui dévoilent des aspects sombres de l’industrie agro-alimentaire, face à la prolifération des cancers. La pilule contraceptive, par exemple, a été révolutionnaire en terme de choix, de liberté et d’émancipation, et il ne s’agit pas de nier cela, pourtant, l’explosion des cancers hormono-dépendants interroge.

Aujourd’hui, nombre de consommateurs avérés connaissent pourtant les répercussions écologiques de ce type de comportement, l’ampleur du changement climatique, de ses conséquences sur l’agriculture, etc.

Ce qui me saute aux yeux aujourd’hui, c’est que le monde est en total changement. Les nouvelles générations ne renient aucun privilège de la société actuelle mais constatent pourtant qu’il est impossible de continuer « comme avant ». Ils doivent réinventer un système. Ils doivent concilier l’individuel et le collectif.

Accompagnons les nouvelles générations :

Parce que le changement ne se fait pas réellement d’oppositions et de brisures mais plutôt de transitions et de passations. L’évolution peut sembler chaotique sous certains aspects mais s’inscrit dans une continuité relativement fluide : on éloigne les écueils et on construit avec le meilleur. C’est de cette façon que le monde peut évoluer, parce que l’élève dépasse un jour le maître, et qu’ainsi il transmettra son expérience afin que son élève, à son tour le dépasse.

Ces jeunes ont tout à inventer. L’école les a préparés à des métiers qui ne les séduisent que peu, car ils ne répondent ni aux nouvelles aspirations, ni aux nouveaux questionnements, et encore moins aux besoins de cette société changeante.

De fait, de plus en plus de jeunes ne veulent pas se lancer tête baissée dans une carrière sans être certains qu’elle leur corresponde. De plus, comment se projeter à long terme alors qu’ils sont de très jeunes adultes et que notre société leur offre tout à portée de main ? Ils ont principalement besoin de trouver leurs bonnes questions, leurs bonnes réponses. L’école ne les a pas préparé à cela. Ils ont besoin de s’inventer, de se créer. Pour cela, ils voyagent, font du bénévolat, ils créent : de l’art, des blogs, des associations, du collectif, du lien, des start-up, bref, ils cherchent, ils improvisent, ils testent. Ils construisent leur vie car ils construisent le monde de demain. Ils ontun besoin essentiel de trouver, de se trouver.


C’est avec toute ma bienveillance de femme, de coach, de citoyenne et d’individu que j’exprime ce message :

Faisons confiance aux nouvelles générations ! Soutenons-les et accompagnons- les avec une réelle bienveillance afin qu’elles trouvent leur identité et leur place au sein de la société que nous avons bâtie pour elles et qu’il leur appartiendra demain de construire. Acceptons la passation et le rôle que nous y avons à jouer.

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