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Appréhender le changement : se repérer dans le cycle de «Vie-Mort-Vie»



Lorsque l'on amorce un processus de coaching, inévitablement, nous entrons dans un processus de changement. Qu'il s'agisse d'un changement radical ou d'une transition plus douce, il y a dans tous les cas une forme de rupture avec d'anciens modèles, d'anciennes habitudes, d'anciens comportements. Ils seront peu à peu remplacés par de nouveaux. C'est ce que l'on appelle processus de Vie-Mort-Vie.

Dans son ouvrage « Femmes qui courent avec les Loups », Clarissa Pinkola Estes attire notre attention sur ces cycles de Vie-Mort-Vie à travers le conte « La femme Squelette ».



Appréhender le changement :


Notre nature et notre environnement sont cycliques. Les jours et les nuits s'alternent. Les saisons se succèdent. La Lune croit, décroit, disparaît et renaît. La Femme lui fait échos à travers ses cycles menstruels. Tout est d'une permanente impermanence : celle des cycles. De la même manière, toute expérience vécue est soumise au cycle de Vie-Mort-Vie. Cela est assez visible dans les relations de couple, où après quelques mois idylliques les partenaires se découvrent de nouvelles facettes et se confrontent à de nouvelles réalités/difficultés. Cette expérience peut également être vécue lors d'une promotion professionnelle, d'une nouvelle prise de poste. L'excitation de la découverte va peu à peu laisser place au quotidien et à son lot de contraintes, difficultés, déceptions parfois.

Mais il est un moment où ce cycle s'exprime inéluctablement et difficilement : c'est lors d'un processus de changement, d'une phase de transition. Je suis extrêmement attentive à ce cycle de vie- mort-vie lorsque j'accompagne des Femmes en processus de coaching.



La première phase de Vie :

Chaque cliente arrive avec une envie, une demande, une idée, un rêve. Peu à peu, nous transformons cette demande en un objectif précis. Cela requiert souvent plusieurs séances, et déjà, les premiers éléments du réel se dessinent, demandant parfois à la cliente de redéfinir le contour de son projet. Puis nous mettons en place un plan d'action, qui va jalonner le parcours de la cliente vers l'atteinte de son objectif. Lorsque nous balisons ensemble ce chemin, les Femmes commencent à prendre conscience qu'elles vont pour la plupart, passer par une forme de « mort ». C'est-à-dire que pour atteindre leur objectif, ces femmes vont devoir renoncer à d'autres choses. Faire des choix, se positionner. Elles vont souvent quitter des « masques » qu'elles portent, parfois depuis leur adolescence ou même leur enfance. Elles s'apprêtent à quitter cette première phase de vie.

Pour beaucoup de mes clientes en reconversion professionnelle, cela passe par renoncer à un prestige social, à un statut socioprofessionnel, à un salaire confortable, à une certaine forme de sécurité. Soit parce qu'elles veulent créer leur propre structure, soit parce qu'elles veulent changer totalement de métier. Cela leur demande de quitter une stabilité, une forme de refuge pour aller vers l'inconnu. Selon l'expression à la mode, elles « sortent de leur zone de confort ».


"Si l’on veut créer, il faut sacrifier tout ce qui est superficiel, une partie de sa sécurité et souvent le désir de plaire, afin de faire émerger l’intuition la plus aiguë, les visions les plus profondes." Clarissa Pinkola Estes

Je pense à une Femme qui était linguiste. Elle était issue d'une longue lignée d'intellectuels, d'enseignants chercheurs, de lettrés. Durant ses études, elle travaillait dans une crêperie. Elle adorait faire la pâte, cuire les crêpes, les garnir. Elle adorait ces odeurs et ces gestes. Parfois elle était au service, et elle se ressourçait au contact des clients. Elle aimait la diversité de la clientèle, celle des soirs de semaines, celle des dimanche après-midi, celle des fin de soirées qui préféraient les bières aux crêpes. Une fois ses diplômes en linguistique, lettres modernes et langues étrangères brillamment validés, elle exerça en tant qu'enseignante et chercheuse. Mais la crêperie lui manquait terriblement et elle sentait que sa place était dans un établissement de bouche. Elle aimait cette ambiance familiale et conviviale, ce partage des sens. Elle décida au bout de quelques années de quitter le milieu universitaire pour ouvrir sa propre crêperie.

Il lui fallut beaucoup de travail de déconstruction des schémas de réussite sociale hérités de sa famille pour « sauter le pas ». Il lui fallut également beaucoup d'assurance et de détermination pour annoncer sa décision à ses proches. Et il lui a fallu parfois accueillir l'incompréhension et le rejet de certaines personnes de son entourage. Loin de son premier métier, loin du métier de ses lignées, il lui semblait parfois qu'elle allait devenir « orpheline », car elle avait l'impression de littéralement se couper de sa famille et d'une part de son identité.

Elle était au cœur du processus de « mort », indispensable pour donner Vie à son nouveau projet.



La phase de mort :

Il s'agit d'un processus de déconstruction inéluctable pour pouvoir construire quelque chose de nouveau. Certaines Femmes doivent « muer » dans le sens où elles laissent derrière elles une ancienne peau devenue trop étroite, trop petite. Je me souviens d'une collègue qui, lors d'une supervision, exposait le cas d'une Femme qui voulait être comédienne alors que toute sa famille l'avait toujours définie comme étant « timide » et « fragile ». Elle-même avait fini par s'identifier à ces adjectifs. Elle se sentait attirée par le théâtre depuis des années, mais chaque fois que quelqu'un lui proposait d'essayer elle refusait en invoquant : « Je ne peux pas, je suis bien trop timide ». Après tout un travail de déconstruction de cette identité de timide avec l'aide d'un professionnel, elle a pu accueillir son envie : être comédienne. Symboliquement, cette Femme avait du « tuer » cette jeune fille timide pour pouvoir exister.

Aller vers nous-mêmes, vers qui nous sommes vraiment, demande de faire face à un processus de deuil. Celui de diverses certitudes sur le monde qui nous entoure et sur la personne que nous avons été, ou que nous avons cru être.

« Le changement est permanent, ceux qui seront capables

de survivre le mieux dans ce contexte de changement permanent

sont ceux qui pourront s'appuyer sur des valeurs essentielles solides et sur un sens de la vie sain. »

Frederic Hudson



Cette phase de « mort », au cœur de la transition, peut être ressentie comme une véritable crise, puisque ce sont nos marqueurs identitaires qui vacillent. Ce temps est le moment pour l'introspection. La personne qui entre profondément dans ce processus de désidentification a besoin de temps pour elle. De temps de méditation, de marche, de sommeil, de solitude. Comme le dit Clarissa Pinkola Estes, c'est le temps de « rentrer chez soi ». De retourner au contact de notre nature « sauvage et instinctuelle ». C'est aussi le moment de garder le lien avec le coach qui accompagne ce travail car c'est là précisément que ressurgissent souvent les sentiments de colère, d'échec, d'impossibilité. Il y a toujours cette sensation désagréable de perte de repère, ce moment où l'on sait que l'on ne sait pas. La descente vers notre grotte intérieure peut être très éprouvante car tout cet inconfort peut nous pousser à l'abandon de notre projet pour retrouver notre confort et notre sécurité ontologique. Le lien avec le professionnel qui accompagne ce processus de changement doit être très solide et maintenu malgré les doutes et les remises en question car il aidera la personne accompagnée à poursuivre cette mue difficile.


La nouvelle phase de Vie :

C'est tout au fond de nous même que nous allons retrouver notre identité. C'est une fois arrivée au fin fond de notre grotte que nous allons pouvoir commencer à tisser les fils entre celle que nous sommes profondément et ce nouveau projet auquel nous allons donner vie. C'est une fois que ce lien est établi que nous pouvons avancer vers cette nouvelle phase de Vie. Nous pouvons considérer que nous endossons une nouvelle peau, que c'est une nouvelle identité que nous allons montrer au monde. Ou bien nous pouvons considérer que nous avons renoué avec notre identité profonde, celle qui a toujours été là, mais qui était muselée par notre éducation, nos croyances, notre chemin de vie... Dans tous les cas, qu'il s'agisse de découverte ou de reconnexion, il s'agit bien d'une forme de renaissance, celle du véritable Soi.



« J'accepte la grande aventure d'être moi ». Simone de Beauvoir




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